Une promesse de 1,5 milliard de dollars pour le bassin du Congo, un bon début, mais pas assez, selon les experts -MONGABAY

Le 2 novembre, un groupe de 12 donneurs, comprenant la Commission européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis et le fonds Bezos pour la Terre, a promis collectivement au moins 1,5 milliard de dollars de financement destiné à la protection et la gestion durable des forêts du bassin du Congo sur les quatre prochaines années. Cette promesse s’inscrit dans un engagement plus vaste de 12 milliards de dollars pris au sommet sur le climat de la COP26 à Glasgow en Écosse par 100 dirigeants pour stopper et inverser la déforestation et la dégradation des sols d’ici à 2030, et elle a reçu un accueil mitigé des experts de la région.

La nouvelle de la déclaration est « très, très positive », a dit Patrick Saidi, coordinateur national de la Dynamique des groupes des peuples autochtones (DGPA), un réseau d’organisations travaillant pour faire valoir les droits des peuples autochtones basé à Kinshasa en République démocratique du Congo (RDC).

 

Saidi a dit que la DGPA lutte depuis des années pour la reconnaissance des pratiques de conservation des peuples autochtones et dépendants de la forêt, et pour la mise en place de mesures visant à soutenir ces pratiques.

 

« C’est un effort significatif », a dit Alain Karsenty, économiste et chercheur au CIRAD, l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable. « Compte tenu des besoins énormes, ce n’est certainement pas suffisant. »

 

La promesse arrive à un moment critique. Selon une étude récente, la dégradation des forêts tropicales en Amazonie et en Asie du Sud-Est pourrait bientôt en faire des émetteurs nets de carbone, ce qui ne laisserait probablement que le bassin du Congo comme dernier grand puits de carbone tropical terrestre. Parallèlement, les gouvernements des six pays du bassin du Congo (Cameroun, République centrafricaine, RDC, République du Congo, Guinée équatoriale et Gabon) cherchent à développer leurs économies par le biais de projets d’infrastructure et d’extraction de ressources, lesquels risquent d’aggraver la déforestation s’ils ne sont pas gérés correctement.

 

« Ce que nous devons comprendre, c’est qu’il n’y a pas d’autre porte de sortie à la crise du climat et de la biodiversité… sans les forêts du bassin du Congo », a dit Armstrong Mba, conseiller en développement durable pour le Sustainability Policy Transparency Toolkit program de la Société zoologique de Londres, basé au Cameroun.

 

La déclaration conjointe des donneurs indique qu’ils reconnaissent la valeur des forêts du bassin du Congo, accueillent le leadership des pays d’Afrique centrale sur la gestion de la forêt et conviennent que la gestion durable et la restauration demanderont des financements importants. Pour le moment, les détails de la promesse ne sont pas connus, ce qui laisse les commentateurs évaluer son impact potentiel sur la situation actuelle et les performances antérieures.

 

Bien que Mba et Karsenty se réjouissent de la promesse de don, ils ont clairement signifié que la somme est loin d’être suffisante, compte tenu de l’importance du bassin du Congo dans la lutte contre le changement climatique.

 

« Bien qu’il s’agisse d’un grand pas, la somme de 1,5 milliard de dollars reste insignifiante à côté de ce que paient ces mêmes donateurs en subventions à l’industrie des combustibles fossiles chaque année », a dit Mba. « Avons-nous vraiment compris le danger auquel nous faisons face en tant qu’espèce ? ».

 

L’agriculture à petite échelle est le moteur le plus important de la déforestation dans la région, et un problème qui, selon Karsenty, ne peut être résolu qu’avec une évolution des systèmes agricoles. La mise en place de nouvelles pratiques agricoles, en particulier dans des zones rurales où la pauvreté est endémique, n’est pas chose facile et il faudra du temps aux gouvernements du bassin du Congo pour y parvenir.

 

Saidi a dit qu’il est crucial que les communautés vivant dans des zones forestières soient au centre de tous les plans et de toutes les politiques. Ils doivent être « les bénéficiaires de ces financements, mais aussi, et il s’agit de l’élément le plus important, les acteurs de ces financements », a-t-il dit.

 

L’amélioration de la gouvernance de la forêt, des droits fonciers et de l’accès à des sources de combustible alternatives au charbon de bois sont également des questions essentielles qui devront être traitées et vont demander une volonté importante des gouvernements du bassin du Congo. Le président Félix Tshisekedi de la RDC s’est engagé à combattre la déforestation et à protéger les droits des peuples autochtones dans son discours à la COP26. Toutefois, Irene Wabiwa, responsable de projet international pour la campagne en faveur des forêts du bassin du Congo de Greenpeace Afrique, met en doute les intentions des donneurs et du gouvernement de la RDC.

 

« [La promesse est] une vraie plaisanterie », a-t-elle dit. « Étant donné qu’elle intervient juste au moment où ces mêmes donateurs ont approuvé le projet de la RDC de lever son moratoire de 2002 sur de nouveaux titres d’exploitation forestière dans un an. »

 

En juin de cette année, le gouvernement de la RDC a approuvé un nouveau plan pour sa gestion de la forêt tropicale, qui inclut la levée polémique d’un moratoire de 20 ans sur les nouvelles concessions d’exploitation forestière. Dans une interview à National Geographic, la ministre de l’Environnement, Ève Bazaiba Masudi, a dit que bien que le gouvernement serait maintenant en mesure d’accorder de nouvelles concessions d’exploitation forestière, cela ne voulait pas dire qu’il le ferait. Les deux tiers des forêts du bassin du Congo se trouvant en RDC, cette décision inquiète les groupes de protection de l’environnement comme Greenpeace Afrique.

 

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