Rapport de l’IGF, des interrogations qui suscitent curiosité - Environews

Le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF), sur la légalité des allocations et cession des concessions forestières et des droits dus au trésor public par les exploitants forestiers formels, ne cesse de faire couler ancres et salive. Les débats sont dans les différents foras. Que ce soit du côté du gouvernement, de la société civile, que des bailleurs de fonds.

 

Depuis la publication de ce rapport le vendredi 01 avril, par la vice primature en charge de l’Environnement et Développement durable, l’on a observé des réactions parfois épidermiques et sensationnelles de parts et d’autres.  Le temps est un bon conseiller dit-on, l’heure est venue pour des analyses froides et dépassionnées de ce rapport. Car, il faut en tirer des leçons pertinentes pour améliorer la gouvernance du secteur forestier de la République démocratique du Congo, pays-solution au dérèglement climatique mondial.

 

Après une première lecture de ce rapport, l’on peut bien remarquer que certaines conclusions de l’IGF sont infondées. Il suffit de prendre suffisamment du recul pour s’en apercevoir.

 

Certains aspects de ce rapport laissent entrevoir que les inspecteurs n’ont pas une bonne maîtrise de la législation forestière. En guise d’exemple, les inspecteurs considèrent que l’autorisation de cession entre un concessionnaire et un non concessionnaire est une vente déguisée, car la cession ne peut s’opérer qu’entre concessionnaires en se fondant sur les dispositions de l’article 2 de l’arrêter 022 portant procédure de cession.

 

Pourtant, cette disposition date de 2008 et elle a été modifiée en 2013 par l’arrêté 083 modifiant et complétant l’arrêté 022.

 

Pourquoi l’audit commence en 2014 ?

Cet audit de l’IGF a été commandé par le premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba par sa lettre n° CAB/PM/DIRECABA/TID/BNMF2020/1171 du 15 juin 2020. Cela suite à la dénonciation faite par la société civile environnementale. Les acteurs de la société civile avaient décrié la violation du moratoire par la réattribution d’au moins 9 concessions forestières, par l’ancien ministre de l’Environnement, Claude Nyamugabo. En réaction, le ministre avait soutenu qu’il ne s’agissait nullement d’une quelconque violation, car, avait-il soutenu, les allocations réatribuées n’étaient pas nouvelles et ne faisaient pas l’objet d’une quelconque restriction.

 

Pour faire la lumière sur cette situation, le gouvernement avait décidé d’auditer le secteur forestier. Cet audit est délimité dans le temps et dans l’espace. L’IGF démarre ses investigations en 2014 pour les clôturer en 2020.

 

Pourquoi seulement 2014, et pourtant la question de la gouvernance forestière va au-delà de cette date. Pourquoi pas 2007, avec le premier gouvernement de la 3ème République ? Moins encore 2003 un repère important qui marque le début d’une nouvelle ère de gouvernance issue des accords de Sun City ?

 

Il faut pour cela interroger l’histoire. Qui a géré ce ministère à partir de 2014, date à laquelle l’IGF choisit de démarrer ses investigations ? C’est bel et bien Bienvenu Liyota Ndjoli, ancien cadre du Parti Démocrate-Chrétien (PDC), parti politique de José Edundo Bononge, lui aussi ancien ministre de l’Environnement (2007-2012).

 

Après sa défection des rangs du PDC ayant rallié le G7, pour rejoindre le FCC, Monsieur Liyota sera nommé dans le gouvernement Matata II, comme ministre de l’Environnement et Développement durable (8 décembre 2014 au 25 septembre 2015).

 

Selon des sources concordantes, les termes de références de l’audit de l’IGF ont été produits par Bavon Nsa Mputu Elima, alors conseiller principal en charge de l’environnement du Premier ministre Ilunga Ilunkamba.

 

Entre 2012 et 2014, Bavon Nsa Mputu, cadre du PDC a été également ministre de l’Environnement et développement durable du gouvernement Matata I, pour le quota du parti politique PDC de Enduno Bononge.

 

L’on peut facilement à la lumière de ces faits politiques, comprendre que le choix de 2014, par Bavon Nsa Mputu Elima résulterait d’une part du besoin de ne pas indexer sa propre gestion de ce ministère et celle de son patron José Endundo qui du reste, n’ont pas été aussi clean que l’on puisse penser. D’autre part, de la nécessité de tirer vengeance sur leur ancien camarade Bienvenu Liyota qui avait fait défection.

 

Pourquoi des erreurs graves dans ce rapport ?

Loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur ce travail intellectuel réalisé par l’IGF, néanmoins des graves erreurs que l’on relève suscitent la curiosité des analystes. Les conclusions de ce rapport l’ont été en mai 2020, tandis que l’ordre de mission utilisé par les inspecteurs a été établi un mois après la rédaction de ce rapport, en juin 2020.

 

L’on peut bien s’interroger sur la procédure utilisée par l’IGF dans cette enquête. Les inspecteurs ont-ils produit un audit sans ordre de mission ? ou alors, ils ont brandi un faux ordre de mission pour faire leur travail.

 

Plus loin dans ce rapport, à la section qui relève les titres rétrocédés volontairement à l’Etat par leurs titulaires mais réattribués, le tableau indicatif démontre que tous ces titres ont été réattribués en (2014) par Bopolo Bongeza, Bienvenu Liyota et Atis Kabongo. Ce qui relève d’une confusion et d’incohérence au regard des années d’exercice de chaque locataire à ce prestigieux ministère. Bienvenu Liyota (2014-2015), Bopolo Bongenza (2015), Atis Kabongo Kalonji (2016-2017).

 

Pour la section qui parle des titres résiliés pour non-respect des obligations légales et contractuelles mais réattribués, le tableau indicatif renseigne que Claude Nyamugabo a attribué 5 concessions en 2018, et pourtant en cette année il était encore gouverneur du Sud-Kivu. L’ancien cadre du PPRD est arrivé au gouvernement Ilunkamba en août 2019.

 

Sur le plan de forme, il se dégage autant d’incohérence dans ce rapport. Ceci laisse penser qu’il n’y a pas eu une bonne coordination et ou collaboration dans la réalisation de ce travail important. Et pourtant, les inspecteurs ont eu tout leur temps pour lire et relire son contenu. Mais des erreurs aussi graves comme celles-ci laissent des interrogations sur le sérieux de ce travail.

 

Pourquoi des entreprises sans sièges sociaux ont-elles des permis ?

L’article 33, de l’arrêté ministériel n°94/CAB/MIN/ECN-DD/00/RBM/2016 du 29 octobre 2016 stipule que tout demandeur de permis de coupe industrielle de bois d’œuvre doit remplir le formulaire fourni gratuitement par l’administration provinciale en charge des forêts et contenant les information générale relative à l’identification du requérant.  

 

Les inspecteurs reconnaissent que l’aspect de la mission relatif aux droits dus à l’Etat par les exploitants forestiers n’a pas été suffisamment réalisé à cause du manque de précisions sur les adresses physiques de ces derniers. L’on peut dès lors se demander comment une administration sérieuse peut-elle délivrer un permis de coupe à une entreprise qui n’a pas de siège social et attendre que celle-ci vienne payer ses redevances.

 

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