Au Kenya, la conservation de la faune au défi de la sécheresse-LE MONDE

Girafes, buffles, zèbres ou antilopes souffrent du manque d’eau et de nourriture après plus d’un an de précipitations en dessous des moyennes dans le nord du pays. Le Kenya est réputé pour ses étendues de savane où cohabitent les « Big Five », symboles du safari africain où l’on trouve le lion, le léopard, l’éléphant, le rhinocéros et le buffle. Aujourd’hui, quatre de ces espèces sont classées comme vulnérables ou menacées de disparition. La cinquième, le buffle, n’en est pas encore là, mais l’animal est aujourd’hui l’un des plus durement touchés par la sécheresse qui sévit dans le nord du pays.

 

« C’est un grand ruminant, donc il est très faible quand il n’y a pas d’herbe. Parfois, il se retrouve aussi coincé dans la boue des points d’eau presque à sec au point de mourir sur place », explique Sharmake Yussuf, président de la réserve naturelle et communautaire de Sabuli, dans le comté de Wajir.

 

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Après trois saisons des pluies décevantes dans le nord du pays, la vie sauvage et les herbivores en particulier souffrent du manque de ressources et de l’insécurité exacerbée qui en découle, devenant la proie des chasseurs. « Nous avons perdu entre dix et quinze zèbres de Grévy. Pour n’importe quelle autre espèce ce n’est pas important, mais quand il ne reste que 3 000 de ces animaux vivants à travers le monde, chaque perte compte », déplore David Kimiti à propos de cette espèce en danger qui vit au Kenya et en Ethiopie.

 

Le Grevy Zebra trust (GZT), dont il est directeur adjoint à la recherche, a distribué quotidiennement du fourrage supplémentaire aux troupeaux sauvages d’août à décembre 2021, en surveillant leur état physique et l’évolution de la végétation. Les personnels de la réserve de Sabuli ont, quant à eux, organisé des distributions d’eau par camion en novembre et décembre.

 

Mourir de faim, de soif, de maladie

 

La dernière période humide, la plus importante des deux saisons annuelles dans cette partie du pays, se déroule traditionnellement d’octobre à décembre mais a été tardive et éparse cette année dans les comtés de Garissa, Wajir, Mandera, Isiolo, Marsabit, Samburu et Turkana. Alors que le pays entre maintenant dans la saison sèche, « là où nous opérons à Marsabit, Samburu et Isiolo, certaines zones n’ont eu que de très faibles précipitations ces deux dernières années, au point que la population dit qu’il n’a pas plu du tout », commente Antony Wandera, chargé de la surveillance des animaux pour le North Rangelands Trust (NRT), une organisation regroupant les quarante-trois réserves communautaires du nord et de la côte.

 

Dans ce contexte, les animaux sauvages périssent de faim et de soif, mais aussi de maladie, la malnutrition les rendant vulnérables. « Quand le temps est vraiment sec et qu’il y a une concentration d’animaux qui se nourrissent directement sur la terre, c’est vraiment dangereux », analyse Antony Wandera, en faisant notamment référence à l’anthrax, une infection à staphylocoque qui peut se transmettre à l’homme.

 

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Le conservatoire de Sabuli a fait le décompte des pertes au sein de la réserve entre août et janvier : trente-cinq girafes, trente-huit oryx, treize gazelles de Waller (antilopes au long coup), huit petits koudous (antilope aux cornes en spirales), cinquante-deux phacochères et quatre autruches. Sur toute la région du nord-est, plus de deux cents girafes, dont les réticulées en voie d’extinction, ont succombé entre octobre et décembre 2021.

 

Mais ce sont avant tout les hirolas, surnommées « l’antilope à quatre yeux », qui préoccupent Sharmake Yussuf, également président de l’Association des conservatoires du nord-est (NECA) : « Il n’y en a plus que cinq cents dans le monde, toutes dans le nord du Kenya. Nous en avons perdu environ trente en 2021, c’est 6 % de leur population. »

 

La sécheresse attise les tensions

 

Cette situation aurait-elle pu être évitée ? « On ne peut pas gérer complètement le problème de la sécheresse, car les saisons changent et les prévisions météorologiques se révèlent parfois fausses », reconnaît Edwin Wanyonyi, directeur de la stratégie pour le Kenya Wildlife Service (KWS, l’agence gouvernementale de protection de la faune). A défaut, un effort particulier est mené pour améliorer la cohabitation entre les hommes et les animaux sauvages.

 

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