Au Cameroun, les Pygmées misent sur l’école « pour sauver » leurs forêts de la destruction – Le Monde

Pygmées en lutte (1/4). En 2020, le Cameroun a perdu plus de 100 000 hectares de forêts primaires humides au profit d’une agro-industrie intensive.

Des élèves en classe de CM2 de l’école publique de Nomédjoh, dans la région Est du Cameroun en mai 2021. JOSIANE KOUAGHEU POUR "LE MONDE AFRIQUE"

 

Dans la salle de classe des CM2 de l’école publique de Nomédjoh, village du Cameroun situé dans la région Est, les élèves s’imaginent médecin, sous-préfet, militaire ou enseignant. A 15 ans, Denis Eléké, lui, veut devenir policier pour « arrêter les méchants », aider sa famille et, surtout, « veiller à ce qu’on ne coupe plus les arbres ». « Tout est en train de disparaître », s’inquiète le garçon, en tirant sur son vieux pull à capuche. « J’aime me promener dans la forêt, mais je vois bien que ça diminue », abonde Emmanuel Essoko, assis à l’ombre d’un bananier plantain dans la cour de récréation. Visage poupin et rieur, lui se verrait bien maire.

 

Comme Denis, Emmanuel est baka. Ce peuple autochtone de la forêt vit de la chasse, de la pêche et de la cueillette, forme aux côtés des Bagyeli, des Bedzang ou des Bakola, la communauté des Pygmées − un terme qu’ils jugent d’ailleurs péjoratif. Ils seraient environ 120 000 (0,4 % des Camerounais) répartis dans les trois régions du Centre, de l’Est et du Sud, un nombre approximatif en l’absence d’actes de naissance ou de documents d’identité. Beaucoup se sont sédentarisées dans des villages ou des campements de quelques dizaines à quelques centaines de membres.

 

Leur mode de vie est aujourd’hui menacé par la déforestation qu’entraînent l’agriculture itinérante, l’exploitation forestière et les grands projets agro-industriels comme les plantations de palmiers à huile. D’après Global Forest Watch (GFW), une plateforme de surveillance en temps réel des forêts mondiales mise en place par le World Ressources Institute, le Cameroun a perdu en 2020 plus de 100 000 hectares de forêts primaires humides, près du double des pertes enregistrées en 2019. A l’inverse, l’exportation de grumes a plus que sextuplé, passant de 200 000 mètres cubes en 2005 à presque un million de mètres cubes en 2017.

 

« Retard éducatif »

 

A Nomédjoh, les habitants sont formels : les animaux se font de plus en plus rares et il faut parcourir des dizaines de kilomètres dans la forêt pour trouver certaines essences. Les exploitants forestiers titulaires des titres d’exploitation sont tenus de verser à l’Etat une taxe, la redevance forestière annuelle (RFA), destinée à financer des projets de développement dans les communes rurales. « Mais la majorité des communautés ne bénéficient pas des retombées de la RFA », se lamente Christophe Justin Kamga, coordonnateur de l’organisation non gouvernementale (ONG) Forêts et développement rural (Foder).

 

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