Le rapport « Réparer les Torts » met en évidence le besoin urgent de mettre en place des mécanismes de gestion de plaintes et de réparation (MGPR) efficaces, indépendants et dotés de ressources suffisantes, dans la mesure où les engagements pris au plus haut niveau en faveur d'une conservation fondée sur les droits humains peinent à se concrétiser sur le terrain et où les abus liés aux aires protégées de la région pourraient se poursuivre à grande échelle.
Des rapports fréquents, faisant l’état de déplacements de communautés locales, de meurtres et de violences sexistes perpétrés par des gardes forestiers d’aires protégées financées par l'Occident, ont placé la « conservation forteresse » militarisée sous les feux des projecteurs ces dernières années, incitant les gouvernements, les bailleurs de fonds et les grandes ONG de conservation à prendre divers engagements en matière de droits humains.
La prise de conscience croissante de l'impact négatif de la “conservation forteresse” a donné lieu à des avancées positives, telles que l'obligation pour les projets de conservation d'obtenir le consentement libre, informé et préalable (CLIP) des communautés locales, ainsi que l'amélioration du contrôle et de la redevabilité des aires protégées grâce à l'agrément des gardes forestiers et au renforcement ou à la mise en place des MGPR. Cependant, notre analyse montre qu'il existe un fossé énorme entre les engagements pris en matière de MGPR et ce qui se passe sur le terrain. Parmi les problèmes mis en évidence par l'étude, on peut citer :
- un manque de mobilisation de ressources adéquates pour les MGPR ;
- un flou dans la redevabilité entre les ONG de conservation, les donateurs et les autorités de l'État, conduisant à une culture d'impunité pour les auteurs de violations des droits ;
- une méfiance profondément ancrée entre les communautés et les responsables de la mise en œuvre des projets ; et
- un manque de diffusion publique et de transparence dans la gestion des plaintes.
Cette absence de mécanismes de redevabilité efficaces a des conséquences concrètes. Récemment, l'ONG CAD a documenté le déplacement physique de populations autochtones du Parc national de Ntokou Pikounda, géré par WWF en République du Congo, malgré l'existence supposée d'un mécanisme de gestion des risques et de politiques de protection sociale.
Avec plus de 200 millions de kilomètres carrés de terres - une superficie équivalente à celle de l'Amérique du Sud - bénéficiant d'un statut de protection au niveau mondial, cela signifie que les violations des droits humains et autres préjudices sociaux causés par des aires protégées strictes continuent de ne pas être signalés, potentiellement à grande échelle. Il est d'autant plus important de garantir une redevabilité effective vis-à-vis des populations locales que la Cible 3 du Cadre Mondial pour la Biodiversité prévoit un doublement effectif de ces zones d'ici à 2030.
Le rapport fournit des orientations et des recommandations aux agences gouvernementales, aux organisations de conservation et aux bailleurs de fonds, notamment sur la nécessité de cartographier et de reconnaître les revendications foncières des communautés et l'utilisation des ressources autour des aires protégées ; de développer des mécanismes accessibles, culturellement appropriés et sensibles au genre; d'accroître concrètement l'indépendance et la transparence des MGPR ; d'établir des liens plus clairs avec les systèmes judiciaires locaux ; ainsi que sur la nécessité d'accroître l'engagement politique et financier pour soutenir ces efforts.
Mais surtout, l'accent mis sur l'amélioration de la redevabilité des aires protégées existantes ne doit pas occulter la nécessité de repenser fondamentalement la façon dont les programmes de conservation sont conçus et gérés dans la région du Bassin du Congo. Des efforts tout aussi importants doivent être déployés pour développer des approches véritablement fondées sur les droits humains et dirigées par les communautés afin d'atteindre les objectifs du 30x30 et au-delà. Un tel changement permettrait d'éviter que ces injustices ne se produisent, réduisant ainsi le besoin de MGPR, et de promouvoir une approche de la conservation plus durable et plus respectueuse des droits humains.
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